Amazed - Chapitre 1

Appartement de Harm
Samedi 9 novembre 2002
19h56

Harm est assis sur le canapé, un dossier dans les mains, plein de papiers sur la table basse, ainsi qu'une bouteille de bière.
On toque à la porte. Dans le judas, il voit une jeune femme portant l'uniforme des cadets de l'Académie de l'Air Force. Il ouvre.

« Bonsoir ! »
« Bonsoir. Vous êtes le Capitaine de Frégate Harmon Rabb Jr. ? »
« Oui, c'est moi. Que puis-je faire pour vous ? »
« Auriez-vous quelques minutes à m'accorder ? »

Harm ouvre la porte en grand.

« Je vous en prie. Asseyez-vous et dites-moi tout. »

Harm déblaie un peu le canapé et ils s'asseyent.

« Voilà, c'est assez délicat. » La jeune femme hésite. « C'est… personnel. »
« Et bien, vous pouvez commencer par me donner votre nom. »
« Excusez-moi. Je m'appelle May McCall. Je suis en troisième année à l'Académie de l'Air Force. Mais on m'appelle Birdie. »
« C'est un bon début. »
« Ma question va vous surprendre, ça remonte assez loin. Lors de votre année de terminale, avez-vous connu une jeune fille du nom de Sandra McCall ? »
« C'est surprenant, en effet. Sandy... Ça remonte à quoi, vingt ans ? J'avoue ne pas avoir pensé à elle depuis bien longtemps. McCall... Une parente à vous ? »
« C'est... enfin ... c'était ma mère. Elle est morte il y a un mois. »
« Je suis vraiment désolé. Veuillez accepter toutes mes condoléances. »
« Merci, Capitaine. Etiez-vous son cavalier au bal de promo, cette année-là ? »
« Oui, en effet. Pourquoi me demandez-vous cela ? »
« J'ai encore une question. »
« Allez-y. »
« Avez-vous... lors de cette soirée... étés ... intimes ? »

Harm pâlit légèrement.

« Vous voulez vraiment le savoir ? Pourquoi ? »
« S'il vous plait, Capitaine, pouvez-vous répondre ? Je vous expliquerai tout ensuite. »

Harm rougit.

« Et bien... oui. La voiture de son père était assez confortable... »

May sort une enveloppe de la poche de sa veste et la tend à Harm.

« Je n'ai jamais connu mon père. Maman n'a jamais rien voulu m'en dire. Elle m'a toujours affirmé qu'il n'avait rien à voir avec nous. Sur l'acte de naissance que je possède, il n'y a pas de nom marqué à l'endroit du père. Après sa... mort, j'ai du ranger tous ses papiers. Et là, je suis tombée sur mon véritable acte de naissance, ainsi que sur ses journaux intimes. »
« C'est vrai qu'elle écrivait souvent. Mais pourquoi me raconter tout cela, à moi ? »
« Trois raisons : je suis née le 14 février 1982, exactement neuf mois après le bal de promo, voici mon acte de naissance, celui qui était dans les papiers de ma mère, et les extraits de son journal intime les semaines qui ont précédé et suivi le bal. »

Harm saisit l'enveloppe les doigts tremblants. Il examine les papiers, pâlit à vue d'oeil. Il regarde alternativement May et les papiers.

« Dans son journal, maman dit que vous ne vous étiez jamais revus. »
« C'est vrai. Je suis parti à Annapolis le lendemain de la remise des diplômes. »

Harm regarde May.

« Vous lui ressemblez un peu... la bouche... »
« C'est ce qu'on me dit. Mais à vous voir, je crois que mes yeux, je les tiens de vous. »
« Oui. Je les vois dans le miroir chaque matin. »

May et Harm se regardent longuement, sans oser dire quoi que ce soit.
Les mains de May tremblent, et Harm est incapable de bouger. Finalement, il parle.

« Pourquoi venir ? Et pourquoi maintenant ? »
« Quand maman a su qu'elle était enceinte, ses parents l'ont jetée dehors. Sans la générosité de la soeur de sa grand-mère, elle aurait été à la rue et je ne serais peut-être pas là. Tante May est morte quand j'avais deux ans, et elle nous a légué sa maison. Depuis, il n'y a jamais eu que maman et moi, avec occasionnellement un... ami... qui venait de temps en temps. Je lui ai posé des questions sur mon père, quand j'étais enfant, mais je n'obtenais jamais de réponse. Alors j'ai fini par arrêter d'en poser. Le seul détail qui me revienne a été quand je lui ai dit que je voulais entrer dans l'Air Force et devenir pilote. Elle a eu un drôle de sourire... J'imagine qu'elle savait que vous étiez pilote. »
« Toute l'année, je n'ai parlé que d'entrer à l'Académie de la Navy pour devenir pilote de chasse comme mon père et mon grand-père avant moi. »

May paraît stupéfaite de la nouvelle.

« Alors j'ai... un grand-père et un arrière-grand-père qui sont pilotes ! J'ai... de la famille ! »

Elle a les larmes aux yeux.

« Mon grand-père est mort durant la 2nde Guerre Mondiale et mon père a été porté disparu en 1969, au Viêt-Nam. J'ai appris depuis qu'il était mort en 1981 en Russie. Et qu'il a laissé un autre fils, Sergei. » Il sourit. « Comme par un fait exprès, il est lui aussi pilote, mais lui, ce sont les hélicoptères. »
« Oncle Sergei... C'est tout ? »
« Non, ma mère et ma grand-mère sont encore vivantes, ainsi que mon beau-père. »
« Est-ce que l'une des deux s'appelle Sarah ? Maman m'a dit un jour qu'elle m'avait nommée d'après les deux femmes qui avaient le plus compté dans sa vie. »
« C'est ma grand-mère qui s'appelle Sarah. Mais on l'appelle Grams. Maman s'appelle Patricia, Trish. »
« J'imagine qu'il va falloir faire des tests, pour certifier que je suis bien votre fille. »
« On en fera. Mais pour moi, il n'y a pas vraiment de doute. Ta mère n'était pas le genre à coucher avec n'importe qui. Elle a été ma petite amie toute l'année de terminale, et la soirée du bal devait être la plus belle de notre vie. Si vraiment tu as été conçue cette nuit-là, alors c'est vrai, c'était bien la plus belle nuit de notre vie. »

May essuie les larmes qui coulent sur ses joues. Harm lui tend les bras.

« Viens là »

May se penche et se retrouve dans les bras de Harm qui la serre contre lui. May sanglote doucement. Harm lui frotte doucement le dos pour la calmer.

« May, il n'y a pas de raison de pleurer. »
« C'est tellement extraordinaire, que vous croyez que je suis votre fille. Juste après la mort de maman, je suis allé trouver ses parents, et ils ont dit qu'ils ne la connaissaient pas, qu'ils n'avaient jamais eu de fille. Sans même me regarder, ils m'ont jeté dehors, tout comme ils l'avaient fait avec elle. J'avais un peu perdu espoir. Je me disais que vous ne voudriez pas de moi non plus. C'est ma camarade de chambre qui m'a convaincu de venir vous voir. Elle a fait les recherches pour vous retrouver. Elle m'a tout donné il y a quinze jours. Je suis venue dès que j'ai pu. »
« Tu as bien fait. Je dois quand même t'avouer que je suis encore sous le choc ! Découvrir que j'ai une fille, et qu'elle est déjà adulte, c'est pas évident. Je n'ai pas d'enfant... enfin pas d'autre. Alors je ne sais absolument pas comment faire. »
« Et moi, je n'ai jamais eu de père. Alors on va apprendre ensemble. Qu'est-ce que vous en dites ? »
« D'accord. Et tu vas commencer par me tutoyer. Et puis... tu crois que tu peux m'appeler par mon prénom ? »
« Je préférerais... »
« Quoi ? »
« T'appeler... papa. Je n'ai jamais appelé personne papa. Et dans un certain sens, ça me manque... »
« Je serai enchanté que tu m'appelles papa. Papa... ça fait tout drôle ! »

Harm et May se sourient, puis Harm enlace May qui pose sa tête sur sa poitrine.