Alma - Chapitre 2
Quand les lueurs du couchant illuminèrent la pièce, Ilsa se dit qu’il faudrait quand même qu’elle finisse par bouger. Elle n’avait même pas encore vu l’Ange de près, celui qu’elle était sensée protéger. Et puis il lui faudrait enduire son ventre d’huile, pour la cicatrisation. Lentement, elle baissa les bras, roula sur le côté. Et ne sentit rien de plus qu’un tiraillement. Bénissant silencieusement Terre, elle se releva avec précautions et baissa les yeux. Le sang ne se voyait pas sur le noir de la robe, mais il avait taché les broderies d’or. Elle la déposerait derrière la porte pour être lavée… ou pas. Elle se dit qu’elle aimerait probablement la déchirer, la mettre en pièces et la jeter par la fenêtre pour ne plus jamais la voir.
Elle pouvait voir le bleu, le rouge, le jaune et le vert se mêler pour former une image différente de celle de la précédente Sorcière. Le miroir au-dessus de la table de toilette lui offrit une vision globale de ce qu’elle était devenue. Toujours blonde, toujours mince, mais sa peau pâle était blafarde et ses yeux étaient rouges et bouffis. Elle avait des marques sur les poignets, et probablement sur les chevilles aussi. Le dessin sur son ventre était assez réussi, du moins lui sembla-t-il, sous le sang séché. Elle se déshabilla, prit une serviette, fit couler de l’eau chaude dans le bassin pour mouiller le tissu et tapota doucement sa peau. La douleur était endormie et ne semblait pas vouloir se réveiller. Ilsa tourna la tête brusquement, se rappelant qu’elle n’était pas seule dans la pièce. Mais l’Ange était sagement endormi, inconscient de sa présence. Ilsa se retourna, finit sa toilette. Elle prit dans le coffre une robe qui, comme toutes les robes qu’elle porterait désormais, découvrait largement le ventre, et le tatouage.
Ilsa se dit qu’il était temps de voir sur qui elle était destinée à veiller. Elle prit sur la table une mèche d’amadou, le briquet et alluma les lampes tout autour de la pièce. Elle marcha vers le centre de la pièce et se pencha sur le coffre de verre. Comme elle l’avait lu dans les livres, l’Ange dormait sur le côté, une main sous la joue. Elle s’accroupit pour voir sa figure.
L’Ange devait avoir son âge, peut-être un peu plus. Il avait les cheveux blond foncé, légèrement ondulés, et d’une longueur inhabituelle pour un homme. En même temps, ce n’était pas un homme ordinaire. Elle traça du doigt sur la vitre la ligne de ses lèvres dont les coins légèrement relevés semblaient préparer un sourire. Ilsa se releva et fit le tour du piédestal pour regarder son dos. A la naissance des ailes, les plumes étaient blanches avec des reflets argentés. Elles prenaient ensuite des reflets dorés puis cuivrés à mesure que l’on descendait l’extrémité des ailes. Elles avaient l’air soyeuses et Ilsa se dit que si le coffre avait été ouvert, elle aurait bien passé la main dessus pour les caresser. Elle contourna de nouveau le piédestal en observant l’Ange sous toutes les coutures. Elle avait lu tout ce qui avait été écrit sur lui, dévoré tous les textes qui le mentionnaient, mais, tellement de choses manquaient. Elle aurait voulu que l’Ange soit réveillé pour pouvoir lui poser toutes les questions qui lui passaient par la tête. Mais bien évidemment, si l’Ange avait été réveillé, elle ne serait pas là, et toutes les questions auraient déjà eu des réponses.
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