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Mardi 21 Avril

Annie et Karen avaient déposé leurs enfants à l’école. Le temps clair et doux les avaient incitées à aller faire une balade et elles s’étaient élancées d’un bon pas sur les petites routes qui quittaient le bourg. Pollux, digne héritier d’une longue lignée de chiens de chasse, pistait tous les petits animaux dont le chemin avaient croisé le sien. En arrivant au Château Montignac, Karen appela Pollux, qui avait couru loin devant. Les aboiements alarmés firent presser le pas aux deux femmes. Le corps dressé, le chien avait posé les pattes sur l’appui de la fenêtre de la tourelle, se tournant régulièrement vers sa maîtresse. Karen attrapa son collier, lui remis sa laisse et l’éloigna, tandis qu’Annie se penchait dans l’ouverture.

« Tu vois quelque chose ? »

« Non, mais ça sent pas bon. C’est peut-être un renard qui est mort là. »

Pollux se démenait contre la poigne de Karen, luttant pour se rapprocher de la bâtisse, aboyant de plus belle.

« Du calme ! »

Annie était sur le point de retourner vers son amie quand elle eut un mouvement de surprise.

« Attends… je vois une chaussure... »

Elle se déplaça pour mieux voir et poussa un cri. Elle se détourna, et tombant à genoux, vomit brutalement.

Karen, comprenant ce qui se passait, saisit son téléphone.

***

Le Lieutenant Théodore Martin se dit qu’il aurait préféré passer sa journée à faire de la paperasse. Ou même sa semaine. Le manoir à demi en ruines avait été sécurisé et le personnel de la Gendarmerie et de la Scientifique occupaient le terrain. Vincent Le Maistre, substitut du procureur, était au téléphone quand Théo arriva. Il fit un geste pour l’arrêter, termina rapidement sa conversation et tendit la main.

« Salut Théo. »

« Salut Vincent. Comment ça se présente ? »

« Celui-là devrait être vite plié. Ça a tout l’air d’un accident. Une fille qui est entrée sans autorisation, malgré les affiches interdisant l’accès, et qui est tombée à travers le plancher du premier étage. On a pas encore retrouvé ses papiers, donc il faudra l’identifier, et j’ai fait venir Langlois pour confirmer l’accident. Comme ça le proprio sera pas embêté et la famille ne pourra pas porter plainte. Ça fera des frais en moins pour le contribuable. »

« Ok. Je vais aller jeter un coup d’œil et je te fais un rapport dès que j’ai toutes les infos. »

« Super. »

Vincent regarda sa montre.

« Si ça peut être terminé en vingt-quatre heures, ça serait parfait. On a cette affaire de vins à éclaircir. »

« Qui aurait imaginé qu’une critique œnologique pouvait être objet de corruption et de chantage ? »

Une nouvelle poignée de mains et Vincent remonta dans sa voiture.

Théo se tourna vers le Château Montignac, une belle bâtisse néo-classique garnie de tourelles, et qui manifestement avait été laissée à l’abandon depuis une bonne vingtaine d’années. Plafonds écroulés, vitres brisées, c’était devenu un danger.

Il s’approcha ensuite des deux promeneuses, recueillant leurs premières impressions. La dénommée Annie était tellement mal que ses collègues avaient appelé une ambulance. Celle qui s’appelait Karen réconfortait son amie tandis que Pollux tirait sur sa laisse en cherchant à aller voir les odeurs qui émanaient du château. Il parla à un gendarme et organisa le retour des deux femmes. Elles viendraient faire une déposition officielle à la brigade un peu plus tard.

Il entra enfin dans le château, enfila des bottillons de tissu blanc et commença par monter l’escalier. Il enjamba des chevalets jaunes marquant les traces relevées par l’équipe scientifique, longea le mur et entra dans la chambre pour observer le trou dans le plancher, et le cadavre qui se trouvait en-dessous.

Une fois redescendu, il resta en retrait dans l’encadrement d’une porte, pour observer la scène du décès. Le corps reposait sous le grand trou dans le plafond, au rez-de-chaussée, dans ce qui avait dû être un salon, au milieu des débris de plâtre et de bois qui jonchaient le sol.

Le docteur Langlois, médecin en chef de l’Institut Médico-Légal de Bordeaux, se leva à la vue de Théo.

« Salut. »

« Salut Maxime. Alors ? »

« Femme, caucasienne, la trentaine. »

« Elle est là depuis combien de temps? »

« Deux ou trois jours. Je déterminerai ça avec plus de précisions... »

« ... durant l'autopsie, je sais. »

Maxime lui tendit un sac en plastique transparent.

« Équipée d’un bel appareil photo, de chaussures de sécurité et d’un casque de chantier. »

Théo saisit le sac et examina son contenu.

« Le matériel pour faire de l’UrbEx. »

« Oui. Elle n’a pas ses papiers, ce qui est classique au cas où elle serait surprise. Par contre, je n’ai pas trouvé son portable. »

« C’est étrange, en général ils les prennent. »

« Les techniciens n’ont pas encore fini de fouiller, il a peut-être glissé sous un débris. Voici le relevé d’empreintes. On va l’emmener à la morgue et je commence l’autopsie cet après-midi. »

« Parfait, merci. »

Une technicienne vêtue d’une grande combinaison blanche s’approcha.

« Salut Théo. »

« Salut Sophie. Une idée de ce qui s’est passé ? »

« Vu les premières constatations, je dirais qu’elle est montée au premier, on voit quelques traces indistinctes dans l’escalier, puis elle est rentrée dans la chambre dont on voit d’ici la splendide tapisserie vintage et elle a fait un pas de trop. Ça s’est effondré sous elle. »

« Je vois. »

« Je te transmets les photos dès qu’on rentre au labo. Je t’enverrai aussi ce qu’on trouvera sur son appareil »

« Super, merci. Comment va Tom ? »

« Il a horreur de se déplacer en fauteuil roulant et son plâtre le gratte horriblement. Il a hâte d’être en béquilles pour revenir bosser. »

« Tu le salueras de ma part ! »

« Bien sûr ! »

Théo fit un dernier tour, salua les gendarmes venus sécuriser les lieux et repartit vers son bureau.

***

La jeune femme marchait rapidement dans la rue, sac sur l’épaule et sacoche à la main. Elle fronçait les sourcils, l’air soucieux. Elle sortit son portable et le mit à son oreille.

« Mel, it’s Cicely. We were supposed to meet for lunch today. I waited for you but you didn’t show up. What happened ? I don’t mind cancelling plans, but I prefer being told beforhand. Call me, I’d like to see you again before you leave. Bye. » (Mel, c'est Cicely. On devait se voir pour le déjeuner aujourd'hui. Je t'ai attendue, mais tu n'es pas venue. Qu'est-ce qui s'est passé ? Ca ne me gêne pas d'annuler, mais j'aurais préféré que tu appelles avant. Appelle-moi, je voudrais te voir avant ton départ. Salut.)

Elle releva ses lunettes noires sur sa tête et poussa la porte de l’entrée fournisseurs du Musée d’Aquitaine.

***

Théo traversa le pool de la Brigade de Bouliac qui bruissait toujours, plein d’activité, de mouvement. Il regarda un instant son équipe et s’approcha de la jeune Gendarme Adjointe Léonie Marcheval. Elle n’était là que depuis quelques semaines et il avait envie de voir de quoi elle était faite.

« Léonie, j’ai du travail pour vous. »

« Oui, Mon Lieutenant ? »

« Le corps retrouvé ce matin n’a pas encore d’identité. Voici ses empreintes, à vous de trouver son nom ! »

Léonie prit le papier que lui tendait Théo d’un air ahuri.

« Moi, Mon Lieutenant ? »

« Oui, vous. Il est temps que vous appreniez comment fonctionne le fichier TES. Vous, Rebel, trouvez tout ce que vous pourrez sur le Château Montignac, son propriétaire notamment. »

Assis en face de Léonie, l’Adjudant Julien Rebel regarda Théo s’éloigner, puis se tourna vers la jeune femme.

« Fichier des Titres Électroniques Sécurisés. »

« Quoi ? »

« Pour les empreintes. Sur ton ordi, tu cliques sur le fichier TES et tu accèdes aux fichiers des CNI et des passeports. Tu scannes ton relevé, et tu lances une comparaison. »

« Merci mon Adjudant. »

Léonie prit une profonde inspiration et se leva. C’était la première mission d’importance qu’on lui confiait, et elle avait intérêt à la mener à bien.

Une fois de retour dans son bureau, armé d’un sandwich et de son clavier d’ordinateur, Théo commença son rapport. Dans une mort accidentelle, à part un rapport à joindre à celui du médecin légiste et des techniciens, il n’avait pas grand-chose à faire.

Il releva la tête en entendant le bip de son ordinateur qui lui annonçait l’arrivée d’un email : Sophie lui envoyait les images de la scène de l’accident ainsi que celles trouvées sur l’appareil photo de la victime.

Il les regarda attentivement, contemplant le visage de l’inconnue. Plusieurs coupures la défiguraient, mais étrangement, ses traits lui rappelaient quelqu’un. Il était sûr de l’avoir déjà rencontrée.

Il passa un certain temps à examiner les dizaines de photos de l’équipe scientifique, observant la position du corps, les détails des gravats, les blessures apparentes. Il ne nota rien de particulier, mais il ne put s’empêcher de penser que quelque chose clochait. Et pourtant il ne voyait rien d’anormal. Maxime pourrait confirmer l’accident dès le lendemain et il pourrait classer toute cette histoire et mettre son impression sur le compte de son cerveau surchauffé.

Il ouvrit ensuite le dossier contenant les photos de la jeune femme, sachant que c’était la dernière chose qu’elle avait faite de sa vie.

Cela lui rappelait cet ami de jeunesse qui, lors d’une randonnée, s’était assis sur une borne kilométrique au bord d’une route, et dont le dernier portrait le montrait là, souriant, quelques secondes avant que la borne ne se décroche et tombe dans le vide en l’entraînant avec elle.

Il y avait d’abord plusieurs vues de loin. Avec le lierre sur la façade, la bâtisse ressemblait au château de la Belle au Bois Dormant. Qui n’aurait jamais été réveillée. On voyait ensuite les images de l’intérieur. La pièce de la tour par où elle était entrée. Le salon où elle trouverait la mort quelques minutes plus tard. Une cuisine avec une cheminée qui montait jusqu’au plafond et aurait pu rôtir un cochon entier. L’escalier en pierre blonde avec une belle rambarde en fer forgé. Le couloir avec la tourelle au fond. Une salle de bains où avaient été stockés une belle collection de bidets. Et enfin la chambre à tapisserie vintage. Il regarda la date et l’heure à laquelle la dernière photo avait été prise.  Dimanche 19 avril, 10h54. On avait une idee precise du jour et de l'heure de la mort. Il l’imprima et la fixa sur son tableau blanc. Il n’avait pas besoin de dresser une liste des suspects, ou d’établir une ligne temporelle, mais il tenait à se souvenir de cette dernière image, au moins jusqu’à la clôture de l’enquête.

De son côté, Léonie était bien embêtée. Comment trouver l’identité d’une femme qui n’apparaissait pas dans une base de données ? Elle changea les critères de sélection, relança une recherche. Julien, juste en face, la regardait faire du coin de l’œil. Quand elle était arrivée, fraîchement sortie de l’École de Gendarmerie, il l’avait prise sous son aile, la traitant comme une petite sœur. Et en ce moment, il sentait que sa petite sœur avait besoin d’un petit coup de main.

« Alors ? »

Il avait fait attention à la façon dont il avait formulé sa question pour ne pas qu’elle se vexe.

« Elle n’est pas dans le fichier. »

« Comment ça ? »

« C’est la troisième recherche que je lance, en changeant les critères à chaque fois, et ça ne donne toujours rien. »

Julien se leva, fit le tour du bureau, vérifia que tout était bien fait et fronça les sourcils.

« C’est étonnant. »

« J’ai même lancé une recherche globale, en me disant que c’est peut-être une femme transgenre, mais rien non plus. »

"Et le fichier des personnes disparues?"

"Elle n'y est pas."

« Les empreintes ne servent à rien pour le fichier des permis de conduire. Et si c’est une ressortissante étrangère, ça va nettement compliquer la recherche. Il faudra peut-être passer une photo dans les journaux. Mais ça, il faudra voir avec le Lieutenant. »

« Ok, merci. Je vais voir ce que je peux encore faire, et puis j’irai le voir. »

« Bon courage ! »

Théo releva la tête de son ordinateur en entendant le coup frappé à la porte de son bureau.

« Oui, Rebel ? »

« Mon lieutenant, j’ai les renseignements que vous m’aviez demandé. »

« Dites-moi tout. »

« Jusqu’au 9 mars 1998, le domaine, soit le château, les dépendances et chais, le verger et les vignes, appartenait à la famille Jansac qui l’a vendu à une holding qui possède plusieurs hôtels de luxe. Ils voulaient créer un complexe cinq étoiles avec piscine, golf, hôtel et restaurant gastronomique. Seulement il semble qu’ils n’aient jamais eu les autorisations qui leurs avaient été promises, et le domaine a été laissé à l’abandon. J’ai le nom de la gérante du parc immobilier du groupe. »

Julien tendit un papier à Théo.

« Ca va être drôle… »

« Bon courage mon Lieutenant. »

Julien ferma la porte derrière lui en sortant.

« Bonjour, Lieutenant Théodore Martin, Gendarmerie Nationale. Puis-je parler à Nadine Gendry ? »

{conversation ?}

***

Léonie n’était pas mécontente d’elle-même quand elle alla trouver son supérieur.

« Mon Lieutenant ? J’ai l’identité de l’inconnue ! »

« Parfait ! »

« Ca n’a pas été facile ! Elle n’était pas dans le fichier TES, et je ne savais plus quoi faire, j’allais vous demander l’autorisation de publier sa photo, quand je l’ai entrée juste pour voir dans le fichier des antécédents judiciaires. Et bing, la voilà ! Elle est fichée comme témoin dans une histoire de mort accidentelle par overdose il y a dix ans. Amelia Campbell, photographe. Elle vient de publier un livre d'UrbEx à Londres. »

Elle tendit à Théo un fichier dont il ouvrit la couverture.

Et les souvenirs lui revinrent d’un seul coup.

Mel à dix ans, les cheveux en bataille, cherchant à les surprendre, sa soeur Cicely et lui en train de s'embrasser. Plus tard, un petit salon dans un petit appartement. Une demi-douzaine d’étudiants en train de fumer et de boire. Mel, telle qu’elle apparaissait dans le dossier de police, les cheveux longs, retenus en queue de cheval et non pas coupés courts, comme sur la photo du légiste. Vincent, le cheveu long et gras, l’air défoncé, comme toujours, bien loin de l'image du substitut du procureur proprêt qu'il revêtait aujourd'hui. Fanny et Eric enlacés comme s'ils ne formaient qu'une seule personne. Rachel, cachée derrière son appareil photo, préférant le virtuel au réel. Marcus qui pérorait dans un nuage de fumée, sa Cicely qui le badait, fascinée par son image de beau ténébreux. Et lui-même qui savourait un verre de rhum en observant tout ce petit monde, toujours à la lisière, jamais au coeur de l'action. Et Sarah, sa petite sœur chérie. Il la revoyait en train de rire, de faire la fête. D’embrasser Mel, et puis Marcus ou Vincent. Les scènes de jalousie entre eux, décuplées par l’alcool et le cannabis. Il se rappela enfin la dernière fois qu’il avait vu Sarah. Le teint gris et cireux sur la table d’autopsie. Mort accidentelle d’un AVC consécutif à une prise de cocaïne. Pas de témoins, pas de suspects. Encore une junkie qui casse sa pipe. Affaire classée.

Théo reprit pied dans le présent avec une grande respiration, comme un apnéiste qui sort de l’eau.

Amelia « Mel » Campbell.

Il parvint à articuler un « Très bien, merci Léonie. » avant qu’elle ne s’en aille.

Lentement, il prit quelques profondes inspirations, se rappelant vaguement les conseils de la sophrologue qu’il avait vue après la mort de Sarah. Dix ans s’étaient écoulés, mais le souvenir le frappait au visage comme si c’était arrivé hier.

En appelant le Parquet pour les informer du nom de leur victime, devait-il mentionner Sarah ? Malgré la même couleur de peau et le même nom de famille, il y avait peu de chance que quiconque fasse le lien entre cette vieille affaire et une mort accidentelle récente. Et Vincent n’avait bien sûr aucun intérêt à l’ébruiter, tout substitut du procureur qu’il était. Et puis de toute façon, ça n’était pas la même affaire.

Il regarda les informations réunies par Léonie, une adresse à Londres, un numéro de téléphone, dont il faudrait trouver l’opérateur, le nom de son éditeur, et le nom et l’adresse de ses parents.

Il se leva et ferma la porte de son bureau.

« Vincent, c’est Théo. »

« Salut. Tu as des nouvelles de notre victime ? »

« Oui, son identité. C’est Mel Campbell. »

« Mel Campbell. Ça me dit quelque chose… »

« Elle était à l’École Nadar avec toi. »

Vincent resta silencieux, les souvenirs lui revenant à lui aussi.

« Mel… Seigneur, je n’avais pas pensé à elle depuis une éternité. »

« On a trouvé son identité grâce au fichier TAJ. »

« Oh merde ! »

« Pour l’instant, il n’y a que toi et moi à savoir. La gendarme qui a trouvé son identité n’a pas fait le lien entre Sarah et moi. On doit pouvoir laisser ça sous le paillasson. »

Les deux hommes réfléchirent chacun de leur côté.

« Je vais faire mention du fichier TAJ dans mon rapport, mais sans écrire le numéro de dossier. Ça passera pour un oubli. Si jamais on me demande, je dirai que c’est pour protéger ta réputation. »

« Je te l’ai juré à l’époque, je te l’ai juré quand on a commencé à travailler ensemble, je te le rejure aujourd’hui : je n’ai rien à voir dans la mort de ta sœur. »

« Je sais, Vincent. Pour le rapport, je le finis dès que j’ai les conclusions de Langlois. Ça sera plié demain en fin de journée. »

« Parfait. »

« Je préviens ses parents d’ici quelques minutes. »

« C’est vrai que tu les connaissais. Bon courage. »

« Merci. »

« Bonne soirée. »

« A toi aussi. »

Théo raccrocha et resta pensif. Il voulait bien protéger la réputation sans faille du Substitut du Procureur Vincent Le Maistre mais il voulait surtout clore rapidement ce dossier pour se consacrer à celui, bien plus complexe, de chantage et de corruption dans le milieu des œnologues.

Il chercha dans les informations rassemblées par Léonie le numéro des parents de Mel et prit une profonde inspiration. Le prochain coup de fil allait être difficile.

« Hello ? »

« Hello, this is Lieut… this is Teddy Martin. I don’t know if you remember me. ” (C’est le Lieut… C’est Teddy Martin, je ne sais pas si vous vous souvenez de moi)

“ Teddy Martin ! Of course I remember you ! It’s been a long time since I last heard of you. How are you ? “ (Bien sûr que je me souviens de toi ! Ca fait longtemps que je n’ai pas eu de tes nouvelles. Comment vas-tu ?)

« Pretty well, thank you. I’m a Lieutenant in the French Gendarmerie.” (Très bien. Je suis Lieutenant dans la Gendarmerie Française.)

“Fancy that!” (Incroyable !)

« Actually, I’m calling you because of my job.” (En fait, je vous appelle à cause de mon travail.)

Théo ferma les yeux.

« Is Mr Campbell with you ?” (Est-ce que M. Campbell est avec vous ?)

« He’s in his bedroom. Do you want to talk with him?” (Il est dans sa chambre. Veux-tu lui parler ?)

« I would like to speak to the both of you.” (Je voudrais vous parler à tous les deux.)

« All right. » (Bien sûr.)

Il entendit du mouvement à l’autre bout de la ligne, des bruits de voix.

« You’re on the speakerphone, Teddy.” (Tu es sur haut-parleur, Teddy.)

« Nice to hear from you again, son. Maggie tells me you want to speak to us?” (Je suis heureux de t’entendre, fiston. Maggie me dit que tu veux nous parler à tous les deux ?)

C’était pire quand vous connaissiez les proches.

« Yes. Mr. and Mrs. Campbell, I regret to inform you that your daughter Amelia is dead. Her body was found this morning.” (Oui. Monsieur et Madame Campbell, j’ai le regret de vous informer que votre fille Amélia est morte. Son corps a été retrouvé ce matin.)

« What ? » (Quoi ?)

Même de loin, le choc était perceptible.

« Mel is dead ? Are you sure it’s her? Could it be a case of mistaken identity?” (Mel est morte? Tu es sûr que c’est elle? Elle n’aurait pas pu être confondue avec une autre ?)

« Her identity has been confirmed by her prints… I’m sorry for your loss.” (Son identité a été confirmée par ses empreintes… Je suis désolé.)

Théo entendait les sanglots de Margaret et il sentit la tristesse l’étreindre.

« How… how did she… » (Comment… Comment est-elle…)

“It looks like she had an accident while she was exploring an abandoned castle. She fell through a floor.” (Il semble qu’elle ait eu un accident en explorant un château abandonné. Elle est tombée au travers d’un plancher.)

« Oh dear Lord. » (Oh mon Dieu.)

« Did you know she was in Bordeaux?” (Saviez-vous qu’elle était à Bordeaux?)

Il entendit Henry reprendre contenance. En tant qu’ancien policier, il savait que Théo avait besoin de poser des questions.

« Yes. She had planned this trip weeks ago. There was some book signings and a meeting or two. And she said she would see Cicely too.” (Oui. Elle avait prévu ce voyage il a des semaines. Elle avait quelques séances de dédicaces et un ou deux rendez-vous. Et elle a dit qu’elle en profiterai pour voir Cicely.)

« Cicely is in Bordeaux ? » (Cicely est à Bordeaux ?)

« She’s been living there for the past few years. She has a job at a Museum, but I can’t remember which one.” (Elle vit là-bas depuis quelques années. Elle a un boulot au musée, mais je ne me rappelle pas lequel.)

« It’s okay. Did Mel tell you who she was meeting?” (Ne vous en faites pas. Est-ce que Mel vous a dit qui elle devait rencontrer ?)

« No. It was a business trip, but she was particularly excited about it, you know, coming back.” (Non. C’était un voyage d’affaires, mais elle était particulièrement excitée, tu sais, de revenir.)

« I can imagine. » (J'imagine.)

« Are you… handling everything ? » (Est-ce que c’est toi qui… gère tout ?)

« Yes. I’m in charge of the investigation. The coroner will finish with her tomorrow and by the end of the week you should be able to get her back.” (Oui. Je m’occupe de l'enquête. Le médecin légiste en aura fini avec elle demain, vous devriez pouvoir la récupérer d’ici la fin de la semaine.)

« Thank you. » (Merci.)

« Again, I’m so sorry. I’ll keep in touch.” (Je suis vraiment désolé. Je vous rappellerai.)

Les sanglots de Margaret s’étaient mués en une plainte douloureuse.

« Is there anything I can do, anyone I can call?” (Puis-je faire quelque chose, ou appeler quelqu’un ?)

« I’ll call Cicely, so you don’t have to break the news twice.” (Je vais appeler Cicely, que vous n’ayez pas à annoncer la nouvelle encore une fois.)

« It’s okay, I can do it.” (Je vous en prie, je peux le faire.)

« I know what it’s like, son. Take care of my little girl.” (Je sais ce que c’est, fiston. Prends soin de ma petite fille.)

« I will, Sir. I’ll call Cicely tonight.” (Oui, monsieur. Je vais appeler Cicely ce soir.)

Il ouvrit sa messagerie et envoya un mail pour demander quelques jours de congé. Il n’avait pas vu Henry et Margaret depuis quinze ans, mais ils l’avaient accueilli comme un neveu lors de son voyage scolaire, et ils l’avaient soutenu lors de la mort de Sarah. Il raccompagnerait Mel chez eux. Il leur devait bien ça.

Il n’avait toutefois pas prévu de revoir Cicely. C’est avec elle qu’il avait échangé son premier baiser lors de ce fameux voyage scolaire quand il avait seize ans. Il l’avait revue ensuite quand elle était venue faire ses études à Bordeaux. Lui-même était à Toulouse, mais Mel et Sarah étant dans la même école de photographie, et faisant partie de la même bande, il avait pu la côtoyer régulièrement. Il avait toujours eu de la tendresse pour elle, et il avait essayé de conquérir son cœur. Mais elle n’avait d’yeux que pour Marcus et ne lui avait plus jamais accordé un regard.

Elle était rentrée à Londres à la fin de l’année scolaire, après la mort de Sarah, et ils avaient perdu contact. Mais son visage était resté dans sa mémoire un long moment. La revoir maintenant…

Il regarda sa montre, presque six heures du soir. Son équipe s’apprêtait à partir. Il s’étira, tournant la tête dans tous les sens pour détendre sa nuque et croisa les doigts derrière sa tête. Il ferma les yeux et laissa les souvenir affluer une nouvelle fois. Il ne vit pas ses collègues quitter leurs bureaux les uns après les autres, tout à ses réminiscences.

Il avait somnolé quelques minutes quand il rouvrit les yeux. Le pool était vide et sombre, et la nuit était tombée.

Henry devait avoir appelé Cicely. Il chercha son adresse et son numéro de téléphone, les nota. Devait-il l’appeler avant de passer ? Il décida d’attendre d’être sur place pour aviser. Il passa rapidement chez lui, enleva son uniforme, puis pris le chemin de Bordeaux. Durant les quinze minutes de son trajet, il réfléchit à ce qu’il pourrait dire, ou faire. Il essaya de se remémorer ce que ses amis avaient dit ou fait, après la mort de sa sœur. Il se gara non loin de chez Cicely et sourit. Le restaurant asiatique au coin de la rue serait un bon point de départ.

***

Cicely s’enroula dans une couverture et se blottit dans son canapé. Elle avait froid, après avoir tant pleuré. Elle avait allumé la télé pour se tenir compagnie, mais les images défilaient sans qu’elle les voie.

Sa petite sœur n’était plus.

Elle s’en voulait d’avoir été un peu sèche au téléphone le matin même. Elle réalisa soudain qu’elle avait probablement appelé au moment où elle était morte. Les larmes recommencèrent à couler et cela l’étonna, elle pensait ne plus en avoir.

Elle regarda son téléphone, attendant le coup de fil de Ted. Avoir eu un père policier l’avait un peu préparée à la procédure. Les yeux dans le vague, elle posa sans le vouloir son regard sur le livre posé devant elle sur la table basse : London Exploration, photographies de Mel Campbell. Au moins elle aurait laissé derrière elle quelque chose de tangible.

Le coup frappé à sa porte la fit sursauter et l’agaça. Elle n’avait pas envie de voir qui que ce soit, surtout pas une voisine. Un deuxième coup quelques instant plus tard la força à se lever. Elle faillit fondre en larmes en voyant Théo sur le pas de sa porte.

"Teddy ! I thought you were going to call." (Teddy! Je pensais que tu appellerai.)

"Salut Cicely. "

Le coeur de Théo fit un bond dans sa poitrine à sa vue. Elle avait le sourire triste et les yeux pleins de larmes, mais elle était toujours aussi jolie. Ils s'enlacèrent un peu maladroitement.

"Entre. Qu'est-ce que tu as apporté ? "

"Quand ma soeur est morte, tu es venue me voir avec une pizza et un film."

Il lui tendit le sac qu'il tenait à la main.

"J'espère que tu aimes toujours les nems."

"C'est vraiment gentil de ta part. Daddy m'a dit que tu devrais me poser des questions."

Ils s'asseyèrent à la petite table dans le coin cuisine et déballèrent le dîner.

"Oui. Tu veux qu'on attende la fin du repas?"

"Non, je préfère qu'on en finisse rapidement."

Sa voix un peu rauque accentuait son accent anglais et Théo en avait des papillons dans l’estomac. Il sortit son carnet et un stylo.

"Quand est-ce que Mel t'a prévenue de son séjour à Bordeaux?"

"Il y a environ dix jours. Attends."

Elle alla chercher son téléphone et consulta sa messagerie.

"Dimanche de la semaine dernière."

Elle lui tendit l'appareil. Il nota les dates et heures des différents appels et messages.

"Vous vous êtes vues?"

"Oui samedi matin, juste avant sa séance de signatures chez Mollat. On a pris le petit déjeuner ensemble."

"Comment t'a-t-elle semblé? Nerveuse? Soucieuse?"

Cicely mangea une bouchée en réfléchissant.

"Un peu excitée par la séance de dédicaces. Je l'ai trouvée plus paisible que quand on s'est vues à Noël. Plus posée."

"Vous avez parlé de quoi?"

"Surtout d'elle. Son livre, ses photos. Elle a…"

Elle s'arrêta et respira profondément.

"Elle avait l'opportunité de publier un nouveau livre de photos, de l'UrbEx de campagne, avec des châteaux abandonnés, ce genre de choses."

"Elle t'a parlé d'une visite au château Montignac ? "

"Non, qu'est-ce que c'est?"

Théo hésita. 

"C'est l'endroit où on a retrouvé Mel."

"Oh…"

Les yeux de Cicely se remplirent de larmes, mais elle prit une grande respiration et ne les laissa pas couler.

"J'ai vu que tu l'avais appelée aujourd'hui ? "

"Oui, on devait se voir pour le déjeuner, mais elle n'est pas venue. J'ai laissé un message sur son répondeur. Est-ce que… Est-ce que j'aurais pu lui parler, si j'avais appelé plus tôt?"

"Non, elle est morte dimanche matin."

Cicely soupira. 

"Oh Cic'. Tu n'aurais rien pu faire. Elle a marché sur un plancher et il s'est effondré sous elle. Personne n'aurait rien pu faire."

"Si elle m'en avait parlé, j'aurais pu l'accompagner."

"Crois-en mon expérience, ne commence pas avec les 'si'. Tu vas te rendre malade pour rien."

Théo fut désolé de voir le visage de Cicely se fermer. Elle posa ses baguettes à côté de son bol à moitié plein et pris sa tête entre ses mains.

"C'est tellement dur."

"Je sais."

Elle le regarda dans les yeux et vit le reflet de sa propre peine.

"Merci d'être là, Teddy. "

"Je t'en prie. Tu peux me raconter ce que vous avez fait samedi matin?"

"Et bien… On s'est retrouvées vers neuf heures au Café Régent."

Cicely eut une hésitation.

"On a parlé de Sarah. Pour les dix ans de sa mort, elle voulait organiser un mémorial, retrouver la bande pour lui rendre hommage."

Théo avait le souffle coupé. Il n'aurait jamais pensé que quelqu'un d'autre que lui se souvienne de sa petite soeur, et moins encore que quelqu'un projette une cérémonie. Mais il n'était pas là pour ça. Il y penserait plus tard.

"Et ensuite?"

"Une fois qu'on a eu fini, on est allées à pied jusque chez Mollat. On a rencontré le responsable de l'événementiel, mais je ne me souviens pas de son nom. On a bavardé un moment, puis Mel s'est installée à une table, avec des piles de livres."

Elle eut un sanglot, resta silencieuse un instant. Puis elle se leva, alla chercher le livre sur sa table basse et le tendit à Théo.

"J'ai eu le premier exemplaire..."

Il ouvrit la première page.

'To Cicely, the best big sister a little sister could ever have.

Love, Mel.'

"Je lui ai répondu qu'elle était la meilleure petite soeur qu'une grande soeur puisse avoir. Je suis partie quelques minutes après. Il y avait déjà la queue."

Une larme glissa sur sa joue.

"Je suis désolée, je ne suis pas de très bonne compagnie, ce soir."

"Ne t'en fais pas pour ça. Elle avait une copine?"

"Elle m'a dit qu'elle venait de rompre."

"Tu connaissais son ex?"

"Non, nous n'étions pas très proches. Il y a six ans, je me suis convertie au catholicisme, et elle l'a assez mal pris. Elle pensait que je critiquerai le fait qu'elle soit homosexuelle, mais je m'en fichais. J'aurais voulu qu'on en parle, au lieu qu'elle se détourne de moi."

"Tu t'es convertie? Tu étais quoi, avant?"

"Anglicane, comme la majorité des anglais. Mais ça ne me parlait pas. Maman en sait beaucoup plus que moi au sujet de Mel, elles étaient très proches."

Mel se tut. Théo se demanda si Cicely était un peu envieuse de la relation de sa mère et de sa soeur. Il laissa ses autres questions de côté et ferma son carnet. Il eut du mal à prononcer les mots qu’il devait lui dire.

“Cicely, il faudrait que tu viennes avec moi à l’Institut Médico-Légal pour reconnaître le corps de ta soeur.”

“Oh… je pensais que vous… que vous l’aviez déjà identifiée, avec ses empreintes.”

“Nous avons quand même besoin d’une identification visuelle. A moins que tes parents puissent faire le déplacement?”

“Non, daddy est en fauteuil depuis son… stroke. Il est resté hemiplegic. Mama s’occupe de lui. Je vais le faire. C’est quand?”

“Je vais là-bas demain matin, tu peux nous y rejoindre. Vers huit heures trente?”

“D’accord.”

"Tu te souviens du film qu'on avait vu, à l'époque?"

"Absolument pas."

Il tira de sa veste une boîte de DVD qu'il lui tendit.

"Ghostbusters!"

Elle fronça les sourcils.

"Attends… tu habitais chez Sarah, et il y avait un sofa horrible, avec des fleurs roses et beiges."

"C'est ça."

"Maintenant je me souviens. Marcus m'avait fait une scène parce que j'avais passé la soirée avec toi au lieu de rester avec lui. Je l'ai quitté quelques jours plus tard."

"Je ne savais pas."

"C'était il y a longtemps."

Elle regarda le DVD et sourit.

"Je n'ai pas de lecteur."

"Ah. J'avais pas pensé à ça…"

"On doit pouvoir le trouver en streaming."

Ils s'installèrent sur le canapé et Cicely alluma sa télé.

Théo appréciait vraiment d'être là avec elle, ils connaissaient tous les deux le film par coeur et cette familiarité lui permettait de se concentrer sur elle.

Petit à petit, elle avait fini par se blottir contre lui, et il avait passé son bras autour de ses épaules. Il tourna légèrement la tête et respira sa chevelure. Elle sentait bon, une odeur fleurie et fraîche qui lui rappelait la campagne anglaise.

Elle tourna la tête vers lui avec un sourire, riant de l'humour du film et ils se retrouvèrent soudain les yeux dans les yeux, plus proches qu'ils ne l'avaient été depuis longtemps. Théo baissa le regard sur ses lèvres entrouvertes, tenté d'y poser un baiser. 

Le souffle brusquement court, Cicely regardait Théo d'un oeil neuf. Elle l'avait trouvé charmant quand elle avait quinze ans, et elle lui avait volontiers offert ses lèvres. Mais quand elle l'avait revu quelques année plus tard, elle était tellement fascinée par Marcus qu'elle ne l'avait plus considéré que  comme un ami. Et voilà que soudain, l'amitié s'effaçait pour laisser place à quelque chose de plus profond, et de plus intense.

Leurs yeux se rencontrèrent de nouveau et ils restèrent immobiles, aucun d'eux n'osant faire le premier pas.

Théo reprit ses esprits le premier et se leva un peu précipitamment. 

"Je vais y aller."

En prenant sa veste, il vit son carnet posé sur la table et se rappela pourquoi il était venu.

"J'ai rendez-vous demain avec le légiste, je te rappelle dès que j'ai du nouveau."

Cicely se leva lentement.

"D'accord."

"J'ai demandé quelques jours de permission. Je m'occuperai du rapatriement du corps… de Mel."

"Ça n'est pas à toi de le faire."

Il eut un petit sourire.

"Je sais. Ça ne m'empêchera pas de le faire quand même."

Elle lui sourit en retour.

"Merci Teddy. "

"Tu sais que vous êtes les seuls à m'appeler Teddy ? Tout le monde m'a toujours appelé Théo."

"Et bien je peux t'appeler Théo si tu veux."

"Surtout pas!"

Elle le raccompagna à la porte.

"Bonne nuit Teddy. "

"Toi aussi."

Il lui tendit sa carte.

"Tu peux m'appeler quand tu veux, nuit et jour."

"Merci."

Théo hésita un instant, puis, se penchant vers Cicely, déposa un baiser sur ses lèvres. Elle eut à peine le temps de réaliser ce qu'il avait fait qu'il était déjà parti.

Il se retrouva sur le trottoir sans trop savoir comment il était arrivé là. Il n'aurait pas dû l'embrasser. C'était un geste idiot, dont il avait savouré chaque seconde. Enfin, les deux secondes que le baiser avait duré. Il avait senti ses lèvres bouger sous les siennes au moment où il rompait le contact, mais il avait eu peur que l'embrasser une nouvelle fois ne mène à des choses plus sérieuses qui n'étaient pas d'actualité. Du moins pas encore. Il chercha sa voiture du regard et réalisa qu'il était allé dans la mauvaise direction. Il avait de nouveau la tête à l'envers. Et il adorait ça. La nuit allait être longue… et vide…

Face à la porte fermée, Cicely sentit soudain le froid la saisir. En frissonnant, elle éteignit toutes les lumières et gagna sa chambre. Le baiser de Teddy, pardon, Théo, l'avait plus marquée qu'elle voulait se l'avouer. Il embrassait déjà bien à seize ans, mais à trente ans passés, il était devenu excellent. Elle caressa ses lèvres de ses doigts, essayant de retrouver la sensation des lèvres de Théo sur les siennes, sans succès. Et elle réalisa qu'elle ne pleurerait plus ce soir.

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