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Amazed - Chapitre 2

Appartement de Harm
Samedi 9 novembre 2002
21h45

Harm et May sont attablés devant les reliefs du dîner. Leur discussion est entrecoupée de silences et de sourires.

« Pour combien de temps es-tu dans le coin ? Tu ne devrais pas être en cours ? »
« Ben, après la mort de maman, je n'ai pas pris la permission qui est normalement accordée. J'ai préféré rester à la base et m'abrutir de travail. Remarque, ça n'a pas fait de mal à mes notes ! Et puis ça devenait trop dur. J'ai parlé à Valérie, ma camarade de chambre, de toute l'histoire, et elle a fait en secret des recherches pour te retrouver. Il y a deux semaines, elle m'a remis un papier avec ton adresse et l'endroit où tu bosses. Elle me l'a tendu en disant `Maintenant, tu peux prendre ta semaine.' Alors c'est ce que j'ai fait. Mon chef est sympa pour ce genre de choses, et en plus, je suis une des meilleures de ma promo, alors... me voilà ! »
« Il y a une question que je me pose depuis tout à l'heure. Tu as lu les journaux de ta mère. Est-ce qu'elle dit quelque part pourquoi elle n'est jamais venue me voir, pourquoi elle ne m'en a jamais parlé ? »
« Pas vraiment. Elle dit d'abord qu'elle avait peur. Tu sais, quand elle est venue vivre chez tante May, elle ne savait rien faire de ses dix doigts, c'est ce qu'elle m'a dit ! Et puis après, tante May est morte, elle a dû trouver un job, et puis, tu avais ta carrière. Elle écrit à un moment que quand elle était avec toi, elle se sentait toute seule, que seuls les avions t'intéressaient, et que si jamais elle était venue te voir, tu aurais insisté pour l'épouser, et que tu aurais continué à voler, en la laissant plus seule que jamais. Je ne sais pas ce qu'il en est, je ne fais que rapporter ce qu'elle a écrit. »
« Elle avait raison. À cette époque, piloter était la seule chose qui comptait dans ma vie. Tu sais probablement que j'ai dû arrêter de piloter un temps à cause d'un crash. C'est là que je suis devenu avocat. Il y a trois ans, j'ai pu retourner dans une escadrille, et j'ai recommencé à piloter. Ça a été formidable, mais je me suis rendu compte qu'il y avait dans ma vie des choses plus importantes que de voler. »
« Je n'en suis pas encore arrivée là. Pour moi, voler, c'est... »
« Magique ? La liberté ? »
« Oui. » Elle sourit. « Tu connais ça aussi, n'est-ce pas ? J'ai l'impression que j'ai l'aviation dans le sang ! Je n'ai jamais éprouvé de sensation pareille à ce que j'éprouve quand je suis là-haut. »
« Et pourquoi l'Air Force et pas la Navy ? »
May rigole. « Un jour, je devais avoir six ou sept ans, maman m'a emmené camper un été près d'un lac. Il y avait des tas d'activités pour les enfants. C'était génial. J'avais passé le début de l'été à apprendre à nager, ça se passait très bien, alors un après-midi, elle m'a autorisé à aller faire du canoë avec des `grands'. Tu parles comme j'étais fière. Alors nous voilà sur le ponton, gilets de sauvetage sur les épaules, fin prêts. Et je monte dans un canoë. On n'avait pas fait deux mètres que je suis devenue toute verte et que j'ai rendu mon déjeuner dans le lac. Aussitôt, on appelle le médecin, qui m'examine. Rien. Bon. Maman me dit de me reposer le reste de l'après-midi, que je recommencerais le lendemain. Seulement voilà. Chaque fois que je montais dans le canoë, j'étais malade. Le médecin est revenu. Au bout de trois tentatives, il en a conclu que j'avais le mal de mer. J'ai fait d'autres tentatives. Destroyer, porte-avion. Des bâtiments qui ne bougent pas trop. Et bien non. Je suis absolument incapable de mettre les pieds sur un bateau. La fois où je suis allée sur le porte-avion, j'étais adolescente. Le père de ma meilleure amie commandait le navire, et il avait reçu l'autorisation de nous accueillir pour le week-end, avec nuit à bord et tout le tralala. À peine l'hélicoptère posé, j'ai commencé à avoir le mal de mer. »
Harm rit en entendant l'histoire. « C'est proprement inimaginable ! »
« N'est-ce pas ! Finalement, comme les Marines ne me tentaient pas trop, j'ai pris l'Air Force. Au moins, là, je reste éloignée de l'eau ! »
Harm lève son verre. « Aux avions ? »
May lève le sien. « Je dirais plutôt aux pilotes. Tous ceux de la famille. »
« Alors aux pilotes ! »
« Aux pilotes ! »

Harm lève son verre en regardant vers le ciel, imité par May.

« Il faudrait fixer les modalités pour les tests Plus vite ce sera fait... »
« Oui. »
« Quand j'ai retrouvé Sergei, on a dû faire des tests, et j'ai toujours l'adresse du labo. Je le contacterai lundi. Je te téléphonerai pour te dire quand tu pourras passer. Ils ont dû garder mon échantillon. Comme ça, on devrait être fixés avant ton départ. »
« Ce serait génial ! »
« Revenons à des choses plus d'actualité, où loges-tu ? »
« Je me suis trouvé un petit hôtel, pas très loin. »
« Tu es sûre ? Si tu préfères, tu peux dormir ici, sur le canapé. »
« Un canapé chez papa, ou un vrai lit dans un hôtel... » Elle sourit. « Je vais rester à l'hôtel. »
Harm fait semblant d'être vexé. « Le canapé est très confortable. »
May sourit. « Oui, mais il n'y a pas d'intimité. C'est un appart de célibataire. Et il n'est pas conçu pour recevoir ta fille. »
« Il va falloir que je déménage, alors. »
« Pourquoi pas ? »

Harm ne répond rien. Ils se sourient.

« Tu es une chipie ! »
« Je sais ! »
« Je te raccompagne ? »
« Ça, je ne refuse pas. Je suis venue en taxi. Et en trouver un dans ce quartier à cette heure, ça doit être coton ! »


************************

Devant l'hôtel de May
22h13

« On se retrouve demain pour le petit-déjeuner ? »
« D'accord, mais à quelle heure ? C'est dimanche, et je ne serai pas levée avant au moins 10 heures. »
« Et bien disons 10h30. Ça te va ? »
« Impeccable. Tu viens me chercher ? »
« Bien sûr ! Bonne nuit May. »
« Bonne nuit... papa »

Harm serre May dans ses bras, comme s'il ne voulait pas la laisser partir. Ils se séparent après un dernier baiser, et May rentre dans sa chambre.

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